Dans un contexte où des centaines de milliers de jeunes n’ont pas accès à l’éducation à la sexualité et se retrouvent laissés à eux et elles-mêmes pour s’informer, l’annonce gouvernementale du retour de l’éducation à la sexualité dans toutes les écoles du Québec est incontestablement une bonne nouvelle.
La mise en œuvre des « apprentissages en éducation à la sexualité » est une opportunité d’outiller les jeunes dans leur développement aussi bien pour prévenir des situations d’agressions, des comportements à risque que pour les accompagner dans le renforcement de leur estime de soi et de leur émancipation.
C’est l’occasion de déployer une éducation à la sexualité positive, inclusive et émancipatrice qui tienne compte de la diversité des réalités et identités ainsi que des inégalités qui persistent entre les sexes.
Cependant, si sur le papier tout est beau, les conditions de mise en œuvre sont alarmantes : pas de moyen, pas de formation, pas de collaboration.
Sans moyen ni formation adéquats
Alors que les écoles devraient, en ce moment même, finir la planification de l’année scolaire 2018-19, le gouvernement n’a toujours fait aucune annonce des montants alloués pour la mise en œuvre des « apprentissages en éducation à la sexualité ».
Le ministère promet des formations dont le contenu n’est toujours pas révélé et projette explicitement de faire porter toute la charge par les enseignant.es et professionel.le.s déjà investi.es au sein des écoles plutôt que d’allouer des budgets pour faire appel à des ressources externes spécialisées. Dans ce contexte incertain, des enseignant.e.s dévoilent leurs réticences et leurs craintes, notamment de se retrouver confronter à des questions, situations où ils / elles n’auront tout simplement pas les outils pour répondre et accompagner adéquatement les élèves.
Sans consultation ni collaboration
Depuis le début des projets pilotes en 2015, le gouvernement a fait le choix de faire cavalier seul en ne consultant ni les jeunes et élèves, ni les organismes communautaires possédant une expertise en matière d’éducation à la sexualité (milieu féministe, milieu LGBT+, personnes en situation de handicap…), ni les associations professionnel.le.s concerné.e.s (sexologues, infirmières, psycho-éducateurs.rices…). Le 8 mars, dans leur lettre au premier ministre, ce sont les syndicats d’enseignant.e.s eux-mêmes qui manifestaient leur inquiétude et dénonçaient la « mascarade ». D’ailleurs, le « comité ministériel consultatif pour l’éducation à la sexualité » n’a pas été réuni depuis plus d’un an.
L’éducation à la sexualité, ça va pas s’faire par magie!
Depuis 2001 – année où l’éducation à la sexualité a disparu des cursus des écoles – les organismes communautaires n’ont pas relâché leurs efforts. Au contraire, de nombreux ateliers d’éducation à la sexualité – souvent à la sollicitation des écoles – ont été développés et menés auprès des jeunes par des milliers de bénévoles et travailleuses.eurs du communautaire. Ce travail de l’ombre, faute de financements publics, reste limité dans sa capacité à répondre aux besoins de tous élèves.
L’éducation à la sexualité dans toutes les écoles du Québec ne va pas se faire par magie non plus, c’est pourquoi nous (jeunes, élèves, militant.e.s, bénévoles, enseignant.e.s, professionnel.le.s, citoyen.ne.s de tous horizons) exigeons:
1/ Des moyens financiers dédiés à la mise en œuvre des « apprentissages en éducation à la sexualité » par :
- des budgets spécifiques alloués aux écoles ;
- des financements pour les organismes communautaires agissant sur le terrain ;
- et de la formation initiale et continue pour tous.tes les enseignant.e.s et intervenant.e.s par des professionnel.le.s de l’éducation à la sexualité et des expert.e.s du milieu communautaire
2/ De la collaboration avec tous.tes les acteurs.ices de l’éducation à la sexualité pour la mise en oeuvre, le développement, l’évaluation et le processus d’amélioration continue du cursus des « apprentissages en éducation à la sexualité » grâce à un comité représentatif de tous.tes les acteurs.rices (jeunes, élèves, organismes communautaires, enseignant.e.s, professionnel.le.s…)